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6 mai 2025Paris, années 1930. Entre les ateliers de Montmartre et la pénombre de la ville, une marque émerge, loin du confort et de la fantaisie. Diana Slip n'est pas seulement une marque de lingerie : c'est un langage du désir. Un théâtre où le corps tient le premier rôle, et où le public ne se contente pas de regarder, il participe.
En son centre se trouvait Léon Vidal, éditeur, entrepreneur et provocateur, à la fois sensible à l'esthétique et à l'appétit. Sous sa direction, Slip de Diana est devenu plus qu'un nom : c'est devenu un écosystème. En 1936, Vidal avait consolidé ses entreprises sous Les Librairies Nouvelles, un réseau tentaculaire qui comprenait des librairies, des studios de photographie, des ateliers-boutiques et des catalogues de vente par correspondance érotiques.


Mais tout a commencé avec la lingerie. Ou plus précisément, avec ce que la lingerie pouvait suggérer.
Vidal a compris ce que d'autres n'avaient pas compris : le fétichisme n'était pas une déviance, mais un marché. Il a dépassé les artifices grossiers du BDSM des débuts (corsets en fer, lourdes chaînes) et a introduit une vision plus douce et plus élégante du pouvoir érotique. Les créations de Diana Slip s'adressaient aux femmes qui percevaient le corps comme une monnaie d'échange et aux hommes qui savaient qu'ils payaient pour bien plus que de la dentelle.
Ses premières et plus fidèles clientes ? Les femmes des maisons closes parisiennes. Elles connaissaient la valeur d'un corset en cuir capable d'attirer l'attention avant même qu'un mot ne soit prononcé.



Vidal comprenait également le pouvoir de l'image. Il ne se contentait pas de vendre des produits : il construisait une mythologie. Il collaborait avec les plus grands photographes de l'époque : Brassaï, Jean Moral, Roger SchallCes hommes, dont les œuvres sont aujourd'hui exposées dans des musées, travaillaient dans les années 1930 pour les catalogues illustrés, les cartes postales et les magazines de Diana Slip. Certains le faisaient pour survivre à la Grande Dépression. D'autres, peut-être, par fascination pour l'érotisme comme force visuelle.
Le chiffre le plus significatif parmi eux est peut-être Jacques Charles Biederer, fondateur du légendaire Ostra StudioPhotographe juif assassiné plus tard à Auschwitz, Biederer a laissé derrière lui des archives qui étonnent toujours : des images nettes, posées, d'une élégance troublante, de soumission, de domination, de rituel et de performance. Ses modèles portaient des slips Diana.



Ces œuvres ont été vendues à Librairie de la Lune, une discrète librairie parisienne où écrivains, collectionneurs et curieux flânaient sous le regard de vitrines aux rideaux de velours. Mais la véritable innovation résidait dans distributionLes produits Diana Slip pouvaient être commandés par courrier. Une transaction privée, livrée sous enveloppe scellée – un avant-goût du e-commerce actuel pour l'érotisme et les produits de niche.
La signature de Diana Slip n'a jamais été l'innocence. C'était toujours la connaissance. Chaque bride, chaque panneau transparent, chaque paire de cuissardes disait la même chose : Regardez de plus prèsCe n'était pas de la lingerie qui dissimulait. Elle révélait à la fois le corps et l'intention qui le sous-tendait.



La marque disparut avec la guerre. Comme beaucoup d'expériences culturelles subversives de l'entre-deux-guerres, elle fut ensevelie sous les décombres de l'Europe des années 1940. Vidal sombra dans l'oubli. Les catalogues disparurent dans les coffres des collectionneurs. Mais l'héritage demeure.
Vous l'avez peut-être déjà vue sans le savoir. Une photo vintage d'une femme en corset, une main sur la hanche, l'autre tenant une cravache. Une certaine cambrure du dos. Un éclat de cuir. Cela pourrait bien être Diana Slip.



Aujourd'hui, ce nom appartient à l'histoire, mais son esthétique est éloquente au présent. Il ne reflétait pas seulement un désir. Il le façonnait. Il lui donnait un langage, un costume, un rituel.
Et dans ce sens, Diana Slip ne vendait pas seulement de la lingerie.
Il s'agissait de vendre une permission.























